Chapitre 36 du Laozi

Texte chinois

jiāngzhīzhāngzhījiāngruòzhīqiángzhījiāngfèizhīxīngzhījiāngduózhīzhī
shìwèiwēimíng
róushènggāngruòshèngqiáng
tuōyuān
guóyǒushìrén

Traduction

Lorsqu'une créature est sur le point de se contracter, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de l'expansion.
Est-elle sur le point de s'affaiblir, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de la force.
Est-elle sur le point de dépérir, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de la splendeur.
Est-elle sur le point d'être dépouillée de tout, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a été comblée de dons.
Cela s'appelle (une doctrine à la fois) cachée et éclatante.
Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur ; ce qui est faible triomphe de ce qui est fort.
Le poisson ne doit point quitter les abîmes ; l'arme acérée du royaume ne doit pas être montrée au peuple.

Notes

Le mot (vulgo aspirer) veut dire ici « se contracter, se resserrer » ; zhāng signifie « se développer, s'agrandir ».

Le mot (vulgo solide) veut dire ici « dès l'origine ». — Voyez ma traduction de 孟子 Mèngzǐ, I, 90, 2 ; II, 84, 6.

Si vous voyez une créature extrêmement développée dès sa naissance, vous reconnaissez à ce signe qu'elle se rapetissera. Si vous la voyez montrer sa force, vous reconnaissez qu'elle s'affaiblira. Si vous la voyez, dès sa naissance, dans un état florissant, vous reconnaissez qu'elle dépérira, etc.

Quoique ces principes soient évidents (pour le sage), en réalité ils sont abstraits et comme cachés (au vulgaire qui est incapable de tirer de telles conséquences de l'état apparent des choses ou des créatures).

Si les choses les plus florissantes dépérissent, etc. il est évident que les choses molles peuvent triompher des choses dures (cf. chap. LXXVIII), et que les choses faibles peuvent triompher des choses fortes. La dureté et la force sont la voie qui conduit au danger et à la mort ; la mollesse et la faiblesse sont la voie de la paix et du salut. Celui qui gouverne un royaume pourrait-il se prévaloir de sa puissance et de sa force ? Si le poisson peut se cacher au fond des eaux, il conserve sa vie. Il ne doit pas se livrer à des mouvements violents et s'élancer sur la terre ; car il tomberait au pouvoir de l'homme et ne tarderait pas à périr. Mais lorsque le poisson (que le pêcheur avait pris) quitte l'élément dur (la terre) et qu'il possède l'élément mou (l'eau), personne ne peut plus se rendre maître de lui. De même, si un royaume peut conserver la faiblesse (c'est-à-dire se montrer faible quoiqu'il soit puissant), il restera constamment en paix. Il ne doit pas se glorifier de sa puissance et de sa force (suivant 王弼 Wáng Bì, l'expression « arme acérée du royaume » désigne la puissance, l'autorité), ni l'étaler aux yeux de tout l'empire. Autrement sa puissance s'épuiserait, sa force fléchirait, et il ne pourrait conserver ses États.

Ordinairement les mots signifient « il peut », et montrent que le verbe suivant est actif ; mais ici il faut regarder le mot (vulgo se servir) comme synonyme du mot jiāng (capere) en style moderne, lorsqu'il désigne l'accusatif, et construire comme s'il y avait : jiāng guó zhī shì rén « Il ne faut pas (littéralement) prenant l'arme acérée du royaume (la) montrer aux hommes », c'est-à-dire il ne faut pas montrer aux hommes l'arme acérée du royaume.

Le commentateur 李士谦 Lǐ Shìqiān a adopté cette construction : 国之利器不可以示人 guó zhī lì qì bù kě yǐ shì rén ; 以示人 yǐ shì rén, comme s'il y avait 将示人 jiāng shì rén (si capiens illud, ostendas hominibus, id est, si illud ostendas hominibus), si vous la montrez aux hommes, alors, etc. Cette construction se retrouve aussi dans 王弼 Wáng Bì et plusieurs autres commentaires.